Une nouvelle méthode, développée par un groupe international de chercheurs, permet de prédire quelles nations européennes sont plus susceptibles de s’unir entre elles ou de se désagréger, selon des critères démographiques, économiques et, plus novateur, culturelles et génétiques.
Selon ce modèle, par paires de nations, celles présentant d’avantage de stimulants pour s’unir sont l'Autriche et la Suisse ; le Danemark et la Norvège ; la France et la Grande-Bretagne.
Pour démonter la cohérence de leur méthode, ils ont choisi un cas réel : la désintégration de la Yougoslavie.
« Notre méthode permet d’analyser quantitativement la stabilité et la désintégration des nations en Europe. Et d’estimer, en outre, les avantages implicites d’une union plus large : si l’Union Européenne formait seul pays. Nous offrons, de plus, un appui empirique pour l'utilisation de la génétique comme indicateur de la diversité culturelle entre les nations », a déclaré au SINC Ignacio Ortuño Ortín, chercheur à l'Université Carlos III de Madrid (UC3M) et co-auteur de l'étude, publiée dans le Journal of Economic Growth.
Jusqu'à présent, on savait que plus les nations sont unies et plus d’avantages elles obtiennent, grâce à la plus grande taille de leur marché et au partage des coûts. D'autre part, l’union d’un grand nombre de régions et de pays aux populations très différentes économiquement et culturellement implique un coût élevé. Mais il n’existait à ce jour aucune méthodologie pour l'analyse quantitative de ces deux aspects dans des cas particuliers.
Et c’est cette tâche que s’est fixée un groupe de chercheurs de l'UC3M, de l’École d’Économie de Toulouse (France), de la Southern Methodist University de Dallas (États-Unis) et de la Nouvelle École Économique de Moscou (Russie).
Le modèle mathématique proposé tient compte, notamment, de la richesse du pays, de sa taille et des différences culturelles selon la génétique populationnelle. D’après l'expert, le plus difficile à quantifier pour faire des prédictions est de « mesurer » les pays du point de vue culturel. « C’est le côté original de cette théorie. Nous importons des données sur la génétique populationnelle et nous démontrons et défendons que les distances génétiques entre régions peuvent être utilisées comme une bonne approximation des distances culturelles », affirme le chercheur.
Selon les scientifiques, cela n'implique pas que la génétique explique la culture, mais qu’il existe une corrélation. Autrement dit, que les populations ayant connu un plus grand brassage se ressemblent culturellement. « Sans prétendre nullement affirmer que les gènes expliquent la façon de penser », remarque Ortuño.
Pour démontrer la cohérence de leur méthode, ils ont choisi un cas réel : la désintégration de la Yougoslavie. Les auteurs ont constaté que les différences économiques entre les républiques ont déterminé l'ordre de désintégration, un fait qui coïncide avec leur modèle. En outre, les différences culturelles, bien que moindres, ont constitué un facteur clé qui a déclenché l'instabilité.
Prédictions par pays
Les premières prédictions théoriques avec ce modèle ont été réalisées par paires de pays, dans une hypothétique Europe unie en un seul pays et avec des régions plus susceptibles de se séparer de leur nation actuelle.
Dans le cas de création d’une Union européenne plus profonde, avec une politique fiscale commune - et pas seulement monétaire - qui formerait un seul pays, les pays gagnants à long terme seraient la Grèce et le Portugal. En pourcentages, le Portugal verrait accroître de 13% son niveau richesse, et la Grèce de 11,9%, suivie de l'Irlande (8,9%) et de la Finlande (8%). L'Espagne expérimenterait un accroissement de 4,1% et les nations les moins avantagées seraient l'Allemagne, l'Italie et la France.
Les chercheurs ont également fait des prédictions sur les régions qui auraient le plus d’intérêt à se séparer du pays auquel elles appartiennent. « Nous ne disons pas que ce soit bénéfique pour ces régions de se séparer, mais que, en termes relatifs, le Pays Basque et l'Écosse sont celles pouvant en tirer le meilleur profit ».
Selon ce modèle, par paires de nations, celles présentant d’avantage de stimulants pour s’unir sont l'Autriche et la Suisse ; le Danemark et la Norvège ; la France et la Grande-Bretagne. Dans le cas espagnol, le plus intéressant serait son union avec la France. « Ce qui ne veut pas dire que la France soit intéressée », et il ajoute : « Nous n’avons, bien entendu, pas tenu compte des enjeux stratégiques de chaque pays ; notre modèle se limite à prédire le bénéfice espéré si cela arrivait ».
Actuellement, l'équipe travaille sur un nouveau projet avec des collaborateurs de Moscou, qui appliquent cette méthode pour comprendre la stabilité des régions en Russie.
Référence bibliographique :
Klaus Desmet, Michel Le Breton, Ignacio Ortuño Ortín, Shlomo Weber. « The stability and breakup of nations: a quantitative analysis », Journal of Economic Growth 16:183–213, 2011. DOI 10.1007/s10887-011-9068-z. Lieu : Espagne Source : SINC
Klaus Desmet, Michel Le Breton, Ignacio Ortuño Ortín, Shlomo Weber. « The stability and breakup of nations: a quantitative analysis », Journal of Economic Growth 16:183–213, 2011. DOI 10.1007/s10887-011-9068-z. Lieu : Espagne Source : SINC